NEWS-JURITECH – N°06 – 01 AVRIL 2025 – ©DROIT-NUMÉRIQUE.CD

La signature électronique d’un contrat est-elle admise en République Démocratique du Congo ?

Daniel DJEDI DJONGAMBOLO OHONGE

Professeur associé à l’Université de Tshumbe (RD Congo)
Enseignant à la Faculté de droit de l’Université de Montréal (Canada)
Formateur & Membre de l’Association des administrateurs du Congo (ADAC) Avocat d’affaires international
www.danieldjedi.com

RÉSUMÉ

La mise en place effective de l’autorité de contrôle des prestataires de services de signature électronique permettra de faciliter les échanges et les transactions électroniques en République Démocratique du Congo. Ce qui fait partie de l’amélioration globale du climat des affaires.

Dans un contrat écrit, la signature fait partie des enjeux juridiques importants, car elle permet notamment de manifester le consentement des parties. Le contrat qui est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose, est un véritable outil stratégique de gestion dans le cadre d’une relation d’affaires [1].

Lorsqu’il est écrit ou quand l’écrit est obligatoire, toutes ses clauses de fond et usuelles méritent une attention particulière afin d’éviter des erreurs qui pourraient être préjudiciables aux parties.

Le mode électronique de manifestation du consentement mérite d’être examiné dans un environnement qui est en pleine mutation technologique où l’écrit numérique a désormais la même valeur juridique que l’écrit sur support papier [2].

Les outils de communication informatique et de télécommunication permettent d’entrer en relation d’affaires avec des partenaires situés dans tous les coins du monde sans pouvoir se déplacer physiquement. Ce qui réduit considérablement les coûts liés aux déplacements ou à l’envoi des documents physiques par la poste.
Le développement de la technologie par la dématérialisation des documents physiques en formats numériques en vue de rapprocher les partenaires convient parfaitement à la rapidité que suggère le monde des affaires. Toutefois, ce rapprochement doit se faire dans le respect du cadre juridique en vigueur en République Démocratique du Congo (ci-après “RDC”). D’où l’intérêt de se demander si la signature électronique d’un contrat est admise à l’heure actuelle en droit congolais.
L’enjeu juridique est celui du contrôle de la fiabilité du procédé technique utilisé pour identifier celui qui appose sa signature électronique tout en garantissant l’intégrité de l’acte.

La présente réflexion s’intéresse au cadre juridique de la signature électronique en RDC ainsi qu’aux difficultés liées à son effectivité ou à sa mise en application.

I. L’admission de la signature électronique en droit congolais.

Les articles 104 à 117 de l’Ordonnance-Loi N°23/010 du 13 mars 2023 portant Code du Numérique introduisent la signature électronique en droit congolais. Ce procédé permet la validité des actes juridiques effectués lors des échanges et transactions électroniques. Grâce aux spécifications techniques édictées par la présente loi, cette signature identifie celui qui l’appose et manifeste son consentement aux obligations qui en découlent.
En droit congolais, la signature électronique est offerte par le prestataire de service de confiance ou le prestataire de services de confiance qualifiée sous le contrôle de l’Autorité Nationale de Certification électronique (ANCE). Cette signature électronique peut être simple ou qualifiée [3].

Le prestataire de service de confiance est une personne physique ou morale qui fournit un ou plusieurs services de confiance énumérés par le Code du Numérique. Il s’agit notamment des services de confiance de signature électronique simple [4].

Quant au prestataire de services de confiance qualifiée, c’est un prestataire chargé de vérifier l’identité d’une personne physique ou morale pour pouvoir émettre un certificat électronique en sa faveur. C’est un prestataire de services de signature électronique qualifiée dans les conditions édictées par le Code du Numérique [5].

Tous ces prestataires sont placés sous l’autorité de l’ANCE qui a notamment pour mission de donner des avis aux requêtes d’exercice des activités des fournisseurs de services de confiance sur l’étendue du territoire national, d’assurer le contrôle du respect par les fournisseurs de services de certification électronique des dispositions du Code du Numérique et ses mesures d’applications et de fixer des caractéristiques du dispositif de création et de vérification de la signature électronique, du cachet électronique, de l’archivage électronique, de l’horodatage électronique et de l’identification des sites internet [6].

Il sied également de noter que le Code du Numérique dresse une liste non exhaustive des documents qui peuvent être établis électroniquement et produire des effets juridiques. Il s’agit notamment des contrats, des actes relatifs au droit civil des personnes, des actes relatifs aux sûretés réelles ou personnelles, de nature civile ou commerciale, sauf s’ils sont passés par une personne pour les besoins de sa profession, des actes qui créent ou qui transfèrent des droits réels sur des biens immobiliers, des actes juridiques pour lesquels la loi requiert l’intervention des Cours et Tribunaux, des actes déclaratifs et liquidatifs des administrations fiscales, parafiscales, douanières et de sécurité sociale, des factures des biens, prestations de service des entités publiques ou privées et des tous les autres actes pour lesquels la loi exige non seulement un écrit sous format papier ou sous tout autre format autre que le format électronique, mais aussi certaines formalités particulières [7]. Le champ des documents qui peuvent être signés électroniquement est donc très vaste.
On peut donc se réjouir de la modernité du droit congolais qui reconnait la validité des engagements signés électroniquement depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance-loi du 13 mars 2023 portant Code du Numérique.

II. Les contraintes pratiques empêchant l’effectivité de la signature électronique en droit congolais

L’ANCE qui doit contrôler le prestataire de service de confiance et le prestataire de services de confiance qualifiée offrant la signature électronique simple ou qualifiée n’est pas encore mise en place. C’est un établissement public à caractère technique qui doit être créé par Décret du Premier Ministre délibéré en Conseil des Ministres [8].
Pour combler cette absence de l’ANCE, un arrêté ministériel du 17 août 2024 du ministre des Postes, Télécommunication et Numérique attribue temporairement les missions de l’ANCE à l’Autorité de Régulation des Postes, Télécommunications et Technologies de l’Information et de la Communication (ci-après “ARPTIC”). Cette dernière autorité est un établissement public à caractère administratif [9].
Sans vouloir entrer dans la controverse règlementaire, il convient de noter que malgré la création de l’ARPTIC par le Décret n° 23/13 du 03 mars 2023, fort est de constater que ladite autorité n’est pas non plus effective, car ses mandataires n’ont toujours pas été nommés. À ce jour, c’est l’Autorité de Régulation de la Poste et Télécommunications du Congo (ARPTC) qui demeure effective, mais qui ne dispose pas de la compétence de contrôler les prestataires de services de signature électronique. Cette mission revient à l’ANCE qui n’est pas encore créée.

En résumé, le schéma réglementaire actuel se présente comme suit : l’autorité à caractère technique de contrôle de la signature électronique qui doit être créée par décret n’est pas encore mise en place (ANCE). Un arrêté ministériel transfère les missions de cette autorité technique qui doit être créée par décret à une autre autorité à caractère administratif créée par décret ajoutant ainsi des nouvelles compétences à ses missions initiales (ARPTIC). Cette même autorité à caractère administratif n’est pas encore effective. En attendant, c’est une autre autorité créée par la loi du 16 octobre 2002 en tant qu’organe indépendant de régulation (ARPTC) qui continue à jouer son rôle de régulateur du secteur malgré l’abrogation de ladite loi par l’ordonnance-loi portant Code du Numérique du 13 mars 2023.

Par ailleurs, depuis la fusion du ministère du Numérique dans celui des Postes et Télécommunications, des réformes sont attendues afin d’harmoniser le cadre juridique global du secteur. Ce qui pourrait certainement conduire au réajustement des différentes autorités créées par le Code du Numérique ainsi que la redéfinition de leurs missions.

Certes, le droit congolais admet la signature électronique d’un contrat, mais l’absence de l’autorité chargée du contrôle des prestataires de services de signature électronique ne permet pas l’application effective des dispositions législatives la consacrant [10].
La mise en place effective de l’autorité de contrôle des prestataires de services de signature électronique permettra de faciliter les échanges et les transactions électroniques en RDC. Ce qui fait partie de l’amélioration globale du climat des affaires.

Notes de l’article:

[1] Cf. Article 1er du Décret du 30 juillet 1888 – Des contrats ou des obligations conventionnelles.
[2] Cf. Article 89 du Code du numérique.
[3] Cf. Article 105 du Code du Numérique.
[4] Cf. Articles 2, 105 et 130 du Code du Numérique.
[5] Cf. Articles 2, 106 à 117 du même code.
[6] Cf. Article 10 du même code.
[7] Cf. Article 93.
[8] Cf. Article 9 du Code du Numérique.
[9] Cf. Article 1er du Décret n° 23/13 du 03 mars 2023.
[10] Cf. Articles 134, 143 et 144 du Code du Numérique.

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