Modalités d’utilisation des canaux digitaux dans le processus de paiement des recettes fiscales, non fiscales et douanières en RD-Congo
Don De Dieu Louis Nyembo
Avocat au Barreau du Haut-Katanga en RD-Congo
Doctorant et Assistant en Droit à l’Université de Lubumbashi, RD-Congo.
L’essentiel
Le 18 janvier 2024, le Ministre des finances a pris la Circulaire ministérielle N°001 fixant les modalités de perception des impôts, droits, taxes et redevances du pouvoir central par des canaux digitaux. Cette circulaire s’inscrit dans le prolongement du processus de digitalisation de la collecte des recettes de l’Etat. Un processus affirmé non seulement par le Décret N°20/019 du 21 aout 2020 modifiant et complétant le Décret N°007/2002 du 2 février 2002 relatif au mode de paiement des dettes envers l’Etat mais aussi, cela avait été souhaité par le Plan National du Numérique Horizon 2025 (Projet 50)[1]. Concrètement, cette circulaire vient expliciter les modalités d’utilisation des canaux digitaux et contribuer à la simplification des démarches pour le paiement des recettes, la sécurisation desdites recettes ainsi que contribuer à l’amélioration du climat des affaires en RD Congo. |
Pour rappel, le Décret N°20/019 du 21 aout 2020 avait déjà prévu que le règlement des dettes envers l’Etat, notamment les impôts, droits, taxes, redevances ainsi que les pénalités, amendes, majorations et accroissements y afférents devait obligatoirement s’effectuer au compte du Receveur de la Régie financière ou de l’Entité Territoriale Décentralisée concernée, en numéraire, en scripturale ou en monnaie électronique auprès des seuls organismes ou agents habilités à en recevoir le paiement et à en délivrer la preuve, ci-après appelés « Intervenants »[1].
Cependant, malgré cette volonté d’élargir les modes de paiement des dettes envers l’Etat, certaines préoccupations nécessitaient que des mesures d’application dudit Décret soit adoptées par le Ministre des finances. Voici l’essentiel des préoccupations qui étaient pendantes :
QUEL MODE DE PAIEMENT CHOISIR POUR LE RÈGLEMENT DES DETTES ENVERS L’ÉTAT ?
La circulaire confirme non seulement les modes de paiement en numéraire, en scripturale ou en monnaie électronique prévus par le Décret N°20/019 mais renseigne aussi que chaque contribuable choisit le mode qui lui est approprié et effectue le paiement auprès des intervenants prévus à l’article 2 du Décret N°20/019[2].
L’UTILISATION DES CANAUX DIGITAUX POUR LE RÈGLEMENT DES DETTES ENVERS L’ÉTAT EST-ELLE OBLIGATOIRE ?
La circulaire renseigne à ce sujet que l’utilisation des canaux digitaux par les contribuables ou assujettis est facultative. Le choix des canaux s’effectue suivant leur convenance. Néanmoins, le paiement par des canaux digitaux concerne tous les contribuables (entreprise ou particulier) quels que soient le niveau de pénétration d’internet (utilisateurs d’internet ou pas), le service des régies financières dans lequel ils sont gérés et leurs lieux de localisation[3].
QUELLES SONT LES STRUCTURES HABILITÉES À ENCAISSER LES PAIEMENTS PAR LES CANAUX DIGITAUX ET QUELLES SONT CELLES HABILITÉES A REVERSER LESDITS PAIEMENTS AU COMPTE DU TRÉSOR ?
La circulaire souligne que les banques et les établissements de monnaie électronique sont habilités à utiliser les canaux digitaux pour l’encaissement des impôts, droits, taxes et redevances du pouvoir central. Ils peuvent utiliser le moyen digital dont ils disposent pour effectuer ces encaissements.
Cela veut donc dire que les contribuables qui ont recours aux canaux digitaux peuvent, pour le paiement des dettes envers l’Etat, se référer à ces structures.
Cependant, s’agissant du reversement, en l’application de la loi sur le système national de paiement, seules les banques sont habilitées à reverser les sommes encaissées au compte général du Trésor à travers le système national de paiement[4].
Par voie de conséquence, les établissements de monnaie électronique, n’étant pas des intervenants financiers dans le mode de paiement des dettes envers l’Etat sont plutôt autorisés à mettre en place des canaux digitaux de paiement de recettes par moyen électronique et d’interconnecter lesdits canaux avec les intervenants financiers (les banques entre autres) qui sont chargés de reverser les recettes encaissées dans les livres du Trésor public ouverts à la banque centrale.
QUEL EST LE CIRCUIT QUE VA SUIVRE LE PAIEMENT DU CONTRIBUABLE POUR ARRIVER AU COMPTE DU TRÉSOR PUBLIC ?
Les recettes payées par voie électronique à travers un établissement de monnaie électronique sont instantanément transférées vers une banque de paiement, dans laquelle l’établissement de monnaie électronique concerné dispose d’une provision en monnaie scripturale. Le reversement au compte général du Trésor doit intervenir dans les 24 heures au plus tard le jour ouvré suivant celui de l’encaissement.
Chaque opération de transfert doit contenir les informations obligatoires exigées par le logiciel ISYS-Régies pour l’encaissement de paiement.
LE CONTRIBUABLE BÉNÉFICIE-T-IL D’UNE PREUVE DE PAIEMENT FAISANT FOI LORSQU’IL USE DES CANAUX DIGITAUX ?
La circulaire précise à ce sujet que la preuve de paiement est, au sens de la circulaire, tout message électronique envoyé au contribuable ou assujetti qui certifie le dénouement de sa transaction au profit du Trésor Public. Lorsque l’encaissement est effectué à travers l’établissement de monnaie électronique, le contribuable ou assujetti recoit deux notifications obligatoires de l’établissement de monnaie électronique de confirmation du débit de son porte-monnaie électronique qui doit fournir la référence de la transaction, le montant payé et le montant des frais supplémentaires. Une deuxième notification valant preuve de paiement qui devra fournir la référence unique de paiement de la banque de paiement et qui devra être tracée dans le logiciel ISYS-Régies. La preuve de paiement doit avoir les mentions obligatoires suivantes : la référence unique de paiement, le numéro impôt, le nom ou la dénomination sociale du contribuable, le numéro du titre de paiement, le montant payé, le code « ISYS-Régies » de la nature de la recette et le code « ISYS-Régies » du service gestionnaire concerné[5].
QUELLES SONT LES RÉGIES FINANCIÈRES CONCERNÉES PAR CETTE CIRCULAIRE ?
Les régies financières concernées par cette initiative sont notamment la Direction Générale des Douanes et Accises (DGDA), la Direction Générale des Impôts (DGI) ainsi que la Direction Générales des Recettes Domaniales, administratives et de participation (DGRAD). La circulaire liste les informations préalables à fournir par les contribuables selon qu’ils ont à faire à l’une ou l’autre régie.
Enfin, il est à noter que toutes ces opérations ainsi que les modalités de collaboration entre les banques et les établissements de monnaie électronique doivent se conformer aux instructions de la Banque Centrale du Congo[6]. Le Plan National du Numérique (Horizon 2025) a d’ailleurs souligné que la Banque Centrale avait là un nouveau rôle dans la réglementation, la surveillance et le développement des systèmes de paiement électronique[7].
Cette circulaire est donc un pas de plus vers la concrétisation des ambitions du plan du numérique horizon 2025 et sera certainement un atout supplémentaire pour le climat des affaires en RD Congo.
[0] Présidence de la République, Plan National du Numérique, horizon 2025 pour une RD Congo connectée et performante, Kinshasa, septembre 2019, pages 52 et 64.
[1] Article 1er alinéa 1er du Décret N°20/019 du 21 aout 2020 modifiant et complétant le Décret N°007/2002 du 2 février 2002 relatif au mode de paiement des dettes envers l’Etat.
[2] Point 1, 1.1 de la Circulaire ministérielle N°001 fixant les modalités de perception des impôts, droits, taxes et redevances du pouvoir central par des canaux digitaux.
[3] Point 1, 1.3 de la Circulaire ministérielle N°001 fixant les modalités de perception des impôts, droits, taxes et redevances du pouvoir central par des canaux digitaux.
[4] Point 1, 1.2 de la Circulaire ministérielle N°001 fixant les modalités de perception des impôts, droits, taxes et redevances du pouvoir central par des canaux digitaux.
[5] Point 1, 1.5 de la Circulaire ministérielle N°001 fixant les modalités de perception des impôts, droits, taxes et redevances du pouvoir central par des canaux digitaux.
[6] Point 2 de la Circulaire N°001 du 18 janvier 2024.
[7] Présidence de la République, Plan National du Numérique, horizon 2025 pour une RD. Congo connectée et performante, Kinshasa, septembre 2019, Page 38.